
Les belles choses existent.
Elles se trouvent partout, même là où tu ne les vois pas de prime abord.
Les belles choses existent et les moches aussi.
Elles se trouvent les unes comme les autres, sur les écrans pré-formatés, à l’intérieur de toi et de moi, dans les papiers jetés de ci de là, elles se ramassent à la pelle.
Nous sommes ainsi faits que la vague qui reflue, que la mer qui monte, que le fracas d’un rocher à ton encontre. Nous sommes mouvements et renoncements, nous sommes en avant et plein d’allant. Nous échouons, nous recommençons, nous luttons, nous sommes vivants.
Nous sommes faits d’extrêmes, de montagnes et de plages de sable blanc.
Quand l’instant présent se situe entre deux battements de coeur, dans la suspension du geste, dans la plume, le nuage, le rayon, la caresse, il se tient droit entre ce que tu as fait et le souhait de ce qui vient.

Et puis, il y a la peur. Celle qui nous saisit quand on s’y attend le moins, celle qui nous dirige à notre insu, celle qui nous protège et celle qui nous enferme.
La peur de l’autre.
La peur de ce que tu ne connais pas.
La peur et l’ignorance sont les lits de ceux qui maîtrisent les mots mieux que toi, qui donnent le ton, qui sont les chefs d’orchestre d’un monde égoïste et moribond.
À l’usure de nos fatigues, de nos ventres vides, de nos portières éraflées, de nos voitures brûlées, les peurs et l’ignorance donnent à manger au Grand Moloch de l’extrême. Et voilà que s’agrandit le trou noir où tombent nos vies sans espoirs.

Moi, je crois au beau.
J’ai un mal de chien à écrire un gros mot.
Je voudrais pourtant être de la grossièreté d’un Haddock, d’un tonton Flingueur, mais mon éducation empêche ma main c’est comme ça, on ne sait pas la forme des étoiles.
Les gros mots peuvent être beaux.
Il suffit juste d’orienter son regard, de se déjouer de la perspective, de grimper sur l’escabeau.
Cette année, j’ai chanté. Beaucoup. Plus que jamais.
Chanter, à pleine voix, en catimini, avec des frissons et des angoisses, chanter comme une vibration qui te prend de l’orteil à ton dernier cheveu, en pleurer parfois. Chanter et écouter les autres le faire, à l’unisson, ensemble un son, chacun seul et lié à l’autre, une vague, un tsunami d’émotions.
J’entend une femme politique à la voix tremblante appeler à l’union, j’entends mon coeur qui tombe de déception dimanche soir, j’écoute les inepties qui nous sont données comme vérité. Je n’ai plus qu’à cuire mon poulet.
Que nous reste t-il sinon que notre paysage, cette fleur entre deux pavés, ce bourdonnement d’une abeille en sursis, ce parfum de lisier qui nous pique à l’intérieur?
Qu’avons nous laissé faire ?
Les quatre fantastiques de la maison discutent, entre eux, avec nous, avec d’autres, ils ne savent pas toujours, ils n’ont pas les strates d’histoire.s que l’on a pu avoir, ils ont l’oubli des formats courts, l’apprentissage digital, il est loin le crayon de la main qui dessine nos fleuves et nos campagnes, nos lisières de clairières, et nos poèmes de Prévert.
Il est au monde dématérialisé que les idées d’extrême droite nous feront toucher du doigts le dégoût de la merde qui nous échoit.

