
Genèse.
Il paraît que j’avais 3 semaines lors de mon premier voyage.
En avion.
Pendant des années j’étais fière de ça. Un bébé et déjà en voyage.
Je ne sais plus pour quel trajet, ni pourquoi, on a du me le dire, mais j’ai oublié. Pourquoi et avec qui ?
De mémoire avec Mamie ? Ma grand-mère maternelle.
Si c’est bien cela, le pourquoi a beaucoup d’intérêt, parce que ni elle ni mes parents n’avaient d’argent pour ce type de déplacement. Ils ont fait leur voyage de noces en 2CV, l’aventure, la vraie, sans téléphone portable, juste la débrouille, la peur de rien, l’envie, le temps et l’amour aussi.
Alors j’ai eu l’avion en moi facilement, jamais eu d’angoisse, une grande joie aux décollages, et souvent des larmes aux atterrissages.
Maintenant je ne prends plus beaucoup l’avion, ou rarement. Pourtant j’aime toujours. Je viens d’apprendre qu’une ligne va s’ouvrir entre Brest et Héraklion. Quoi de plus légitime que l’envie d’aller retrouver la chaleur de la Crète, en juin par exemple, aller fouler les lieux antiques, où l’histoire s’est faite, aller dans les restaurants où les familles nombreuses sont bienvenues et où l’assiette est généreuse pour une addition légère.
Peut-être que c’est encore légitime de prendre l’avion pour rejoindre une île ?
J’aime le train aussi. Pourtant ils ne sont pas encore amphibies, enfin pas partout. Ils ne sont pas accessibles non plus aux familles nombreuses pour une aussi longue distance, ni même pour les courtes. Je rêvais d’offrir aux enfants une journée musée à la capitale, départ 7:00, retour 23:00 à peu près, des images plein les yeux. J’ai oublié l’idée en faisant le calcul.
Ma dernière grande randonnée date d’août 2022. Je savais en la faisant que c’était quasiment un exploit, et que je n’allais pas le re faire avant longtemps : la balade du volcan.
Quand on parle volcan dans la famille, avec « la balade de » devant, on sait de quoi il s’agit : celui de la petite île avec qui j’ai fait la paix, enfin la paix avec son manque.
C’était une randonnée ambitieuse, que mes parents avaient faite quand j’étais ado, que j’avais tenté quand j’avais ma petite première puce sur le dos (en 2002) que j’ai réussie à 50 ans, avec mes grands enfants. Les garçons tous devant.
Mais j’en ai bavé des ronds.
Depuis, tout est allé à vau l’eau. J’ai pu encore faire quelques marées, rares, l’été, où il faut les poches tourner, où j’ai un peu plus de temps pour la manoeuvre que quand il s’agit seulement d’accrocher ou décrocher les poches. Amarrer. Je vais bien en ligne, plus du tout en torsion. Ni dans la vase molle. Et puis même parfois dans les allées du supermarché le genou se dérobe.
En mai nous avons renoncé à l’Italie, quand s’est souvenu qu’en camion, les 1200 et quelques kilomètres en une journée, c’est un peu dur.
Dans 6 semaines on me pose un genou tout neuf. A droite. J’en ai vu un exemplaire sur le bureau du beau chirurgien, je n’ai pas osé toucher ni tester sa souplesse.
Pourtant j’y pense à chaque fois que je fais une photo : je suis incapable de plier, d’accroupir, d’agenouiller. Même devant un roi, une reine je resterais figée, raide. Mon genou se garde à vous.
Depuis des années, quand je regarde un film où les acteurs s’assoient en tailleur c’est un peu comme si je les regardais faire un salto arrière avec un bandeau sur les yeux.
Des athlètes.
Mes déplacements se réduisent à la portion du jardin et des parcs, j’ai abandonné la randonnée même courte, je vais lentement, je ne cours plus depuis bien longtemps, et j’ai mal quand je regarde le ski de bosses à la télé, moi qui n’ai jamais chaussé de skis de ma vie.
Ce travail, ostréicultrice, j’ai renoncé depuis un bail à le faire à la façon de mon ostréiculteur de patron de mari. Force de la nature s’il en est. Mais se rendre compte à quel point ce métier dépend du physique est parfois effrayant. En tant que féminine de l’étape j’ai vite compris que je devais laisser de côté mes revendications « ce n’est pas parce que je suis une femme que je ne peux pas le faire ». Et d’un, si, en tant que femme l’outil n’est pas adapté, à moins d’avoir une nature vraiment exceptionnelle, et de deux, il faut savoir réfléchir, accepter d’aller moins vite, mettre des astuces en place pour certains gestes. Ça n’empêche pas d’être fière (très) quand on arrive à aller aussi vite, voire plus, que les hommes (y’en a certains que je défieraient bien rien que pour voir leur tête ).
Mais ça, c’était avant.
Alors ce journal immobile, pour prendre le temps d’en parcourir le chemin, au rythme des étapes qui se présenteront.
Et puis écrire. C’est voyager, avec ou sans genou.x, immobile en apparence.

Pour l’avion c’est suite a des souci de santé post accouchement pour aller chez grand mère maternelle de Rennes à Paris.
Pour la fin du voyage de noce, ce fut fait d’une traite sur 1000km parce qu’on n’avait plus d’argent que pour l’essence. En arrivant dans le finistère, sur la vieille route entre Chateauneuf du Faou et BRASPARTS, le chassis de la 2cv s’est fendu à l’avant et raclait sur la route quand ça balançait. Aussi, j’ai du démonter à la suite une autre 2cv pour échanger les châssis (un mois). On a transporté à l’arrière un, matelas pour le cas ou nous n’aurions pas trouvé d’hébergement sans jamais avoir à l’utiliser. Nous avions une pince multiprise que la grand mère maternelle avait couru pour nous donner en nous rattrapant sur le départ. Entretemps nous avons eu les freins qui ont lâchés dans la descente des cols pyrénéens et descendu avec le frein à main (cassé) tiré par une corde par Gwenola sur mes instructions quand ça descendait trop vite et après n’avoir été qu’une fois dans le fossé à contrepente. A postériori je comprends l’inquiétude de mes beaux parents de nous voir partir dans ces conditions pour un périple de 3000Km, d’autant que je n’étais pas encore en odeur de sainteté à l’époque! Et d’autant plus que j’ai eu des enfants depuis qui m’a permis de mieux comprendre.
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